Conformité, optimisation des process, croissance des profits, l’amélioration de la chaîne d’approvisionnement et l’alignement aux normes ‘corporate’ des entreprises sont les moteurs derrière les investissements en technologie de l’information (TI) dans l’industrie pharmaceutique. Selon un rapport d’octobre 2010 du Gartner Group, un besoin pressant de technologies de fabrication intégrée par ordinateur est d’actualité. Cela se reflète dans le fait que les budgets informatiques en production des entreprises se sont accrus de 3 % en 2001 à 19 % en 2007 (1). L’industrie pharmaceutique a adopté cette initiative stratégique d’intégration informatique en fabrication devant la mener à l’amélioration de la qualité et des performances en production.

Tendance de l’informatique dans le secteur manufacturier

L’informatique peut jouer un rôle à tous les niveaux des opérations de fabrication. Cela devient particulièrement évident au niveau de la gestion des opérations de fabrication ou ‘Manufacturing Operations Management (MOM)’. Les avancées technologiques telles que l’architecture orientée service ou ‘Service Oriented Architecture (SOA)’ a permis à l’informatique en fabrication de s’orienter sur les processus au lieu de se concentrer uniquement sur les données ; par conséquent, l’informatique s’intègre sans couture avec les opérations de fabrication. En ne limitant pas la technologie au niveau du MOM, des activités telles que les dossiers de lots électroniques (« Electronic Batch Records (EBR)» ), le rapportage en temps réel, la gestion d’entreprise ‘Enterprise Resource Planning (ERP)’ et l’interfaçage avec les équipements ont permis aux sociétés pharmaceutiques de maximiser leur retour sur investissement informatique, d’améliorer la qualité, de disposer d’une plate-forme pour les améliorations continues et, in fine, d’accroître les profits.

Le MES dans l’industrie pharmaceutique

Le Manufacturing Execution Systems (MES) (système d’exécution de processus industriels) intègre un certain nombre de technologies déployées au niveau du MOM. Le MES en tant que technologie a été déployé avec succès au sein de l’industrie pharmaceutique depuis que la Food and Drug Administration (FDA) a édicté la règlementation 21 CFR Part 11, le 21 mars 1997. Cette dernière définit les critères conditionnant l’acceptation par la FDA, suivant certaines conditions, de dossiers et de signatures électroniques et de signatures manuscrites numérisées comme équivalant à des dossiers papier et des signatures manuscrites sur support papier. En 16 ans de temps, la technologie associée au MES ayant mûri positivement est en passe de devenir une bonne pratique reconnue dans tous les secteurs réglementés des sciences de la vie. Ceci est confirmé par le fait que de nouveaux sites de fabrication démarrent leurs opérations avec un MES en place, soit, la fabrication sans papier dès le premier jour.

Le nombre d’applications informatique utilisées dans un projet MES dépend des exigences des processus du client. Au minimum, un MES doit viser à remplacer des dossiers papier de lots par un EBR. D’autres fonctionnalités possibles à intégrer sont le pesage et le dosage automatique de matières et l’intégration avec les systèmes ERP ; ces dernières applications aident à l’optimisation des niveaux de stocks et à la planification de la production. Le MES peut également être intégré au niveau de l’usine, donnant potentiellement un contrôle complet sur l’ensemble de l’entreprise. Ce niveau de contrôle permet d’assurer la fabrication ‘right-first-time’ (RFT) et offre une visibilité totale de l’entreprise. Le MES agit comme un système central avec des interactions efficaces avec d’autres systèmes de fabrication et départements tels que l’exploitation, la qualité, la maintenance et le contrôle des stocks. La clé d’une mise en œuvre réussie du MES est de faire usage d’un taux d’informatique adéquat afin de maximiser le retour sur investissement (ROI).

La figure 1.0 illustre un MES dans une usine typique de l’industrie pharmaceutique:

Ce graphique représente le positionnement typique d’un MES en production pharmaceutique conformément à la norme ISA-95 (2). Cette dernière définit un modèle pour les opérations de fabrication, y inclut les fonctions de rapportage et d’analyse critiques pour fabriquer avec efficience. Les fonctions de planning & d’ordonnancement des affaires et la logistique (niveau 4) sont prises en charge par les ERP, la gestion du cycle de vie des produits (‘PLM – Product Lifecycle Management’) ou la gestion de la chaîne d’approvisionnement (‘SCM-Supply Chain Management’). Les systèmes en production ‘Plant floor’ (niveaux 2 et 3) sont constitués des systèmes informatiques de gestion de laboratoire (« LIMS – Laboratory Information Management Systems »), les outils OPC d’intégration de données, les historiens de données, la maîtrise statistique des procédés (« SPC -Statistical Process Control), le MES, les systèmes de contrôle-commande (SCADA) et les outils de bases de données relationnelles.

L’industrie pharmaceutique a-t-elle adopté le MES ?

En préparation de cet article, une enquête a été réalisée par l’auteur afin de mesurer le taux de pénétration du MES au sein de l’industrie pharmaceutique. Le sondage a été réalisé entre janvier et février 2013. Environ 400 cadres supérieurs et analystes systèmes du monde entier travaillant dans des compagnies pharmaceutiques ont été contactés. Au total, 84 réponses ont été documentées, dont 47 % des répondants ont déclaré que le MES électronique a déjà été déployé dans des installations spécifiques en production. Une analyse plus profonde a été effectuée en ce qui concerne les installations où le MES a été déployé pour enregistrer des dossiers de lots. Seulement 31 % des entreprises ont déployé des solutions totalement dématérialisées avec la majorité déployant une combinaison de dossiers de lots papier et électroniques.

Alors, qu’est-ce que les organismes réglementaires pensent du MES ? Depuis 2004 déjà, des rapports étaient publiés mettant en exergue les avantages du MES en termes de conformité dans l’industrie des sciences de la vie. Dans un article intitulé « MES Reduces FDA Compliance Costs » (3), la revue Quality Magazine remarque :

‘Le principe sous-jacent de l’interprétation actuelle de la réglementation est de veiller à la qualité ou à la gestion et à l’atténuation des risques en définissant une méthodologie de gestion pour l’imbrication de la qualité dans le processus de fabrication au lieu de tenter d’intégrer la qualité au niveau des produits par des inspections. Le but des fabricants et de la FDA est de procurer et de fournir des produits sûrs et efficients.

Toutefois, la mise en conformité aux exigences de la FDA a été historiquement une procédure coûteuse, mais hélas nécessaire. Comme l’industrie des sciences de la vie devient de plus en plus concurrentielle, la réduction du coût de la mise en conformité est aussi importante que le contrôle des coûts, la qualité et les délais de mise sur le marché.

Un système d’exécution de production (MES) contribue à combler le fossé entre le contrôle réglementaire, le contrôle opérationnel et la gestion de cas.’

Depuis 2004, la FDA audite des installations pharmaceutiques faisant usage de MES. L’expérience de l’auteur est que ces systèmes sont agréés par la FDA et qu’il n’y a pas eu d’objections soulevées à l’égard d’installations MES réglementairement conformes.

Examen des principes guides d’adoption du MES dans l’industrie pharmaceutique

Un guide GAMP® du MES (4) stipule que les avantages d’opérations d’exécutions de recettes telles que rencontrées en production pharmaceutique incluent:

  • amélioration de la planification et de l’utilisation des ressources
  • amélioration de l’agilité en fabrication et lors des passages d’un process à l’autre
  • réduction du nombre de travaux en cours ‘Work in Progress (WIP)’ et meilleure traçabilité des matières
  • temps de cycle de production plus courts
  • forçage de séquences d’opérations
  • réduction du nombre d’erreurs d’enregistrement en production, électroniques ou hybrides
  • accroissement de la visibilité, de la précision et de la cohérence des données de fabrication, aide décisionnelle accrue, ‘Process Analytical Technology (PAT)’ et plus grand nombre d’outils d’analyses
  • nombre de rappels minimaliste
  • fiabilité accrue des installations
  • autorise la fabrication sans papier
  • génération et rapportage automatisé d’indicateurs de performance clés (KPI) tel que le calcul OEE (taux de rendement synthétique TRS)
  • assistance à la gestion des connaissances et au PAT
  • réduction des ressources unitaires en gestion de qualité nécessaires pour les opérations quotidiennes en fournissant des fonctionnalités telles que les dossiers électroniques de production ‘Electronic Production Records (EPR)’ et contrôle par exception ‘Review by exception (RBE)’

Dans le cadre de l’enquête menée préalablement à la rédaction de cet article, les interlocuteurs qui avaient installé un MES ont été invités à choisir les motivations primaires et secondaires guidant la mise en œuvre des solutions MES électroniques, parmi les cinq catégories suivantes :

  1. Qualité
  2. Production
  3. Inventaire
  4. Financier
  5. Entreprise ‘Corporate’

Les résultats de l’enquête sont repris ci-dessous:

Figure 3.0 : Motivations primaires et secondaires pour le choix d’un MES dans l’industrie pharmaceutique

En étudiant ces résultats, il est évident que l’amélioration de la qualité et de la production sont les principaux facteurs motivateurs pour mettre en œuvre un MES électronique vu qu’ils représentent près de 80 % de tous les facteurs combinés.

Les avantages pour les MES peuvent être quantitatifs et qualitatifs. Les avantages quantitatifs peuvent être mesurés au niveau financier tel que le calcul d’un RSI, tandis que des avantages qualitatifs sont plus subjectifs, mais pas moins importants. Lors de la défense d’un MES en interne, l’importance des avantages qualitatifs ne peut être ignoré, vu que la seule considération d’avantages quantitatifs risque de ne pas pouvoir emporter la décision.

Avantages quantitatifs/Économies tangibles de coûts avec le MES

Réduction du coût de la qualité : le nombre de déviations associées à des dossiers papier des lots est un exemple du coût de la qualité. L’expérience directe de l’auteur est qu’avec la mise en œuvre du MES, le nombre de déviations enregistrées peuvent être réduites d’environ 50 %. Avec les systèmes manuscrits, les entreprises peuvent maintenir des niveaux élevés de qualité ; cependant, il y a un coût élevé associé à assurer ce niveau de qualité. Un MES réduit le coût de la qualité, mais assure également qu’il n’y ait pas de baisse de niveau de qualité.

Coût de stockage des dossiers de lots (Qualité): les entreprises ont des coûts récurrents associés au stockage et la récupération des dossiers de lots papiers. Avec l’introduction d’un MES, d’importantes réductions de coûts peuvent être réalisées. (Toutefois, les dossiers existants doivent encore être conservés conformément aux règlements appliqués par l’organisme compétent.)

Amélioration du temps de cycle de lot (Production): le contrôle par exception peut être réalisé avec un MES mature. Les EBR nécessitent généralement le contrôle et la libération par les départements exploitation et le service qualité ; quoiqu’il en soit, ce travail est nettement moins ardu qu’un processus de contrôle papier. Dans certains cas, les fabricants pharmaceutiques ont mis en œuvre un contrôle par exception intégré dans le MES.

Accroissement de capacité de production : suite à l’intégration d’un MES, les entreprises peuvent s’attendre à accroître le taux de production de leurs usines en maximisant leurs initiatives MES Lean. Cela autorise les sociétés à répondre aux demandes futures ou à court-terme sans l’embauche de ressources supplémentaires ou d’heures supplémentaires.

Meilleure gestion des coûts financiers : le MES peut aider à implémenter des nomenclatures (BOM) multiniveaux avec une visibilité accrue sur la fabrication. En outre, le MES permettra d’améliorer le routage de matériel et une meilleure analyse de la variance. Il permettra la définition de nouveaux centres de coûts et procure une évaluation des coûts globale améliorée au travers de tous le processus de fabrication..

Réductions d’inventaire : : les entreprises ayant peu de visibilité en production maintiennent un niveau élevé des stocks. Les solutions MES créent des rapports en temps réel en y intégrant des données qualitativement approuvées suffisamment consistantes pour réduire les niveaux d’inventaires.

Gestion des stocks : un MES améliore l’efficacité de gestion d’un entrepôt par le suivi en temps réel des mouvements de stocks et des transactions, des gestions de cycles sans papier et les avantages associés à un entrepôt aux informations dématérialisées. Cela signifie qu’il y a une réduction des activités en entrepôt et un effort réduit pour le département qualité ou pour l’étiquetage de l’inspection des produits en réception.

Avantages qualitatifs / Économies intangibles du MES

Conformité forcée (Qualité): le MES a une force exécutoire dans de nombreux aspects de la fabrication. Comme l’exécution forcée de séquences d’activités, la vérification de l’adéquation d’équipements avant leur mise en œuvre et celle de l’état du matériel avant usage, l’appartenance à un groupe d’utilisateurs avant l’exécution de fonctions du système et beaucoup plus.

Coût de la préparation des audits (Qualité): le MES aide à corriger les déviations existantes en mettant en place des actions correctives strictes telles que les inspections forcées en cours de fabrication. Cela se compare à un système papier qui se réfère à des mises à jour de procédures et de formations, de moindre efficacité qu’un contrôle qualité de force exécutoire. Lors des audits, le MES est plus efficace pour retrouver des informations. Les audits sont ainsi réalisés plus rapidement et sont de meilleure qualité.

Gestion de l’équipement électronique (Production): le MES permet la création efficace et la maintenance automatique de journaux de bord électroniques. Une surveillance exhaustive de la condition d’état empêche efficacement l’utilisation d’équipements inadéquats. Ces états d’équipements peuvent être classifiés comme en maintenance planifiée ou non, en nettoyage ou en étalonnage. Des règles de conduite peuvent être appliquées pour gérer l’état des équipements. Le MES peut garantir que les commandes en cours ne soient pas traitées par une machine particulière lorsque cette dernière est non conforme.

Lots multiples/réorientation de la production : l’un des plus grands avantages du MES est lors des changements de produit et de la création ou de la mise à jour des « Master Batch Records (MBR) ». Au plus il y a des produits traités en production ou à l’emballage, le moins efficient les systèmes de suivi sur base papier.

Évaluation transparente des données de process (Corporate): le MES stocke les données dans une base de données relationnelle. Cette dernière est utilisée pour l’analyse et l’intégration avec d’autres informations « intelligentes » en production.

Normalisation des processus d’affaires (Corporate): un programme MES peut être utilisé comme un mécanisme de définition et de mise en œuvre de processus opérationnels communs ainsi que de processus de fabrication ‘Lean’.

Capital inexploité (Financier): Typiquement, les solutions MES s’interfacent avec les systèmes ERP. Le MES aide à affiner les fonctions de planification de l’ERP sur des périodes journalières ou même horaires, alors que l’ERP met l’accent sur des mois ou des semaines. Cette granulométrie plus fine de planification permet de minimaliser les temps de cycle et accroît la visibilité en production.

Corporate Business Process Management (BPM): le BPM est l’activité de gestion de l’ensemble de vos processus, « du quai aux stocks » ainsi que des fonctions de soutien. L’accroissement de l’efficacité est essentiel dans le cadre d’un process de fabrication à la demande. L’information en temps réel des process manufacturiers est nécessaire pour éluder les problèmes, gérer la qualité et générer la flexibilité requise par nos clients. Le MES permet de réaliser cela et est considéré comme un élément clé dans la réalisation d’un BPM avec succès.

Défis associés à l’intégration d’un MES

Un projet MES au sein de l’industrie pharmaceutique est considéré comme une solution de logiciel d’entreprise, similaire aux projets ERP. Cependant, la différence majeure entre les projets MES et ERP est que le MES est géré par la direction de l’exploitation alors que l’ERP est typiquement géré par les services informatiques. Le MES touche à tous les aspects des ateliers de fabrication et peut devenir très complexe. Pour cette raison, les entreprises se sont concentrées sur les projets ERP et d’automatisation, pour lesquels il y a plus de degrés de liberté. Le MES représente finalement le dernier obstacle pour compléter l’intégration au sein du modèle ISA-95.

La mise en œuvre d’une solution MES complète dans une usine de fabrication pharmaceutique existante pourrait prendre plus de quatre ans. La première année, la stratégie à appliquer pourrait être d’étendre les fonctionnalités de la couche ERP par une traçabilité matière améliorée en production et à l’entrepôt. Des initiatives « Lean » peuvent être mises en œuvre pour veiller à ce que les process de fabrication (manufacturing) et d’affaires (business) soient ‘MES ready’.

Au cours de la deuxième année, la priorité pourrait se déplacer vers la couche de visualisation de l’automatisation, tels que pour les investissements en systèmes de contrôle distribués (DCS) et les technologies d’archivage des données du type « Data Historian ». La stratégie pourrait consister à investir dans une solution automatique de pesage et de dosage, soit livrée par le fournisseur de l’ERP soit par celui du MES ; le résultat se déclinerait en l’amélioration du contrôle des matières premières en production. À partir de la troisième année, l’on peut considérer la société « MES ready ». Une solution MES peut être déployée dans le but de remplacer les dossiers de lots papier par un EBR. Enfin, dans la quatrième année, l’accent sera mis entièrement sur l’intégration de la solution MES dans les couches d’automatisation et de l’ERP.

Les équipes MES sont généralement constituées d’un comité de pilotage ou d’un groupe avec des sous-groupes se concentrant respectivement sur les exigences de la production, la qualité, la validation, l’informatique, la gestion du changement, l’inventaire, la formation et la maintenance. La taille des groupes peut varier de 6 à environ 20 personnes directement impliquées dans le projet MES. Intégrer les ressources humaines nécessaires, le timing, les licences de logiciels, les coûts de matériel, l’impact initial négatif du changement en production… Un budget de 3,5 millions d’euros n’est pas inhabituel pour un projet MES déployé dans une entreprise pharmaceutique de petite ou moyenne taille, d’environ 200 à 500 employés.

Les solutions MES sont déployées avec succès dans l’industrie pharmaceutique ; cependant, décider de mettre en œuvre une solution MES n’est pas une décision à prendre à la légère. Une planification minutieuse et l’enseignement des fonctions profondes du MES, sont clés. Des organisations tel la Manufacturing Enterprise Solutions (MESA) (6) ont été mises en place pour la promotion des meilleures pratiques et de l’éducation relative au MES. Avec une bonne planification et une bonne éducation, une étude de cas d’une solution MES peut être établie.

Le « Technology Adoption Cycle » et le MES dans l’industrie pharmaceutique

Geoffrey A. Moore dans son livre « Crossing the Chasm » (5) aborde un concept relatif à l’adoption de nouvelles technologies. Moore classifie l’adoption de la technologie en cinq phases. Des crevasses apparaissent entre les phases et certaines technologies qui ne parviennent pas à les combler disparaissent. Des exemples de telles technologies qui n’ont jamais été pleinement adoptées ou ne sont jamais arrivées à maturité incluent Windows ME, le PalmPilot et le site de réseautage social Bebo. Moore (5) nous entretient sur « la notion de ce qui définit un marché high-tech est la tendance de ses membres à se référencer l’un l’autre lors de la prise de décisions d’achat ; c’est absolument essentiel à la réussite de la commercialisation de haute technologie. »Le point critique identifié par Moore où les technologies sont soit adoptées soit rejetées est appelé le gouffre (‘The Chasm’), la crevasse qui existe entre les adopteurs précoces (‘Early adopters’) et la phase de majorité précoce (‘Early majority’).

Le MES a-t-il donc franchi le gouffre dans l’industrie pharmaceutique ? Basé sur la recherche menée conjointement avec cet article, oui, il l’a. Il est fermement positionné dans la phase de majorité avancée ainsi que démontré dans le schéma suivant.

Crossing
Figure 4.0 : « Crossing the Chasm » ou le MES dans l’industrie pharmaceutique

Les gens qui sont réputés être dans la phase de la majorité précoce sont définis comme pragmatiques. Moore (5) dit à propos de la majorité précoce qu’ « Ils se soucient de la société de qui ils achètent les produits, de la qualité du produit qu’ils achètent, de l’infrastructure ou du soutien produits et des interfaces du système et la fiabilité du service qu’ils vont obtenir…  » Tous ces facteurs sont d’importance majeure lors de la sélection d’une technologie dans l’industrie pharmaceutique. Des milliers de produits MES sont disponibles sur le marché. Le MES est en cours de déploiement dans l’industrie pharmaceutique et il y a une panoplie de solutions éprouvées disponibles.

La courbe en S et l’ERP dans l’industrie pharmaceutique

Une autre méthode utilisée pour décrire l’adoption une technologie est la courbe en S du cycle de vie du produit. La courbe en S décrit l’évolution technologique et suggère que les technologies évoluent à travers une période initiale de croissance lente, suivie par une de croissance rapide, culminant en un plateau. Elle scinde également l’adoption des technologies en différentes phases ; toutefois, elle diffère du modèle de Moore (5) en ce sens qu’elle tient compte de mutations technologiques au cours du cycle d’adoption. Traditionnellement, le MES était implanté de façon locale. Cependant, avec la mondialisation galopante, les entreprises n’alignent plus seulement leurs systèmes d’entreprise tels que les ERP, mais se concentrent également sur les systèmes de fabrication comme le MES. Le logiciel en tant que service ou Software as a Service (SaaS) et l’infonuagique (‘cloud computing’) sont sans aucun doute à l’origine d’une mutation dans le cycle d’adoption technologique tant du MES que de l’ERP. Le cloud computing est un modèle dans lequel les services de matériel et logiciels informatique sont généralement (mais pas toujours) proposés en tant que service dans un centre de données (‘Datacenter’) distant. Cela se compare à déployer les matériel et les logiciels sur des sites locaux.

S-Curve
Figure 5.0 : La courbe en S – Adoption de la technologie

Manufacturing 2.0

Avec les technologies émergentes comme le cloud computing et la mondialisation croissante, la dynamique en fabrication est en train de changer. Les usines de fabrication font parties intégrantes de la chaîne d’approvisionnement globale et doivent fournir des données en temps réel. Cela accroît l’accent mis sur les rapports issus de la fabrication et le MES joue un rôle crucial pour garantir l’exactitude et la disponibilité des données. Les systèmes ERP gèrent des informations hebdomadaires et, dans certains cas, quotidiennes. La chaîne d’approvisionnement exige des données plus fines. Les solutions MES sont typiquement développées pour rapporter des informations à un taux horaire de fréquence moindre, répondant ainsi aux exigences de la chaîne d’approvisionnement globale.

L’organisation MESA, dans un récent livre blanc présente le concept de Manufacturing 2.0 (Mfg 2.0). Ainsi que discuté plus tôt, les entreprises orientent le focus en fabrication sur le process plutôt que sur les données, et les progrès en conception de puissantes applications logicielles, en raison notamment de l’usage d’architectures telles que la Service Oriented Architecture (SOA) permettent ce changement. MESA stipule (7):

‘Les exigences spécifiques en opérations de fabrication pour la SOA sont appelées Manufacturing 2.0. Mfg 2.0 se différencie des architectures soi-disant Manufacturing 1.0 basées sur des applications de base de données client/serveur autonomes. Ces dernières ont tenté de représenter la modélisation de process d’entreprise au travers d’interfaces point à point et le transfert de données personnalisé entre les applications.’

En déployant Mfg 2.0, les entreprises peuvent répondre aux exigences induites dans la chaîne globale d’approvisionnement. Sans un MES, ce ne peut être réalisé de manière efficace. Les entreprises devront décider si les technologies Mfg 2.0 sont intégrables lors du déploiement du MES. La technologie n’est pas aussi mature que celle des solutions basées client/serveur ; des préoccupations existent en matière de sécurité des données et de la fiabilité totale des réseaux informatiques. Les entreprises individuelles doivent évaluer les avantages de ces nouvelles technologies, telles que les économies d’échelle, les services partagés et l’alignement sur les stratégies de l’entreprise, avant de décider sur une approche de déploiement d’un ensemble particulier de technologies.


Figure 6.0 : Manufacturing 2.0 et le MES

La fabrication pharmaceutique sans le MES électronique

En raison de complexités au niveau du MOM, des contraintes financières et de la disponibilité du personnel qualifié, les investissements de solutions telles que le MES sont différés. Ceci est très-compréhensible vu que les entreprises manufacturières doivent être prêtes et en mesure de définir clairement leurs exigences pour une solution potentielle. L’inconvénient de cette stratégie réside dans une rupture du flux de données. Les informations de stock disponibles dans le système ERP et les informations process disponibles à partir d’ensembles d’équipements ne sont pas réconciliées. Cela a un impact sur la disponibilité et la qualité des données, avec un impact négatif sur la traçabilité. Une exigence au sein des industries réglementées par la FDA est de devoir conserver les données MOM associées aux produits et aux processus ayant un impact direct sur la production de produits finis. Avec le « e-pedigree » et l’adaptation en cours, cette rupture de flux de données oblige les entreprises à investir beaucoup de temps dans la gestion papier des données.

Ces données sont essentielles dans l’industrie pharmaceutique. Il s’agit d’une source de données riche, en temps réel et surtout de qualité agréée (qui est, par définition collectée, stockée et entretenue conformément aux exigences réglementaires) sur base de laquelle des décisions relatives à la fabrication peuvent être faites en toute confiance. Les données aideront à résoudre les questions de traçabilité découlant au niveau du MOM, vu qu’elles comblent le fossé entre la gestion de l’entreprise et celle de la production.

En Conclusion

Les compagnies pharmaceutiques ayant adopté le MES gagnent un avantage concurrentiel avec une meilleure qualité, une meilleure traçabilité, des initiatives Lean maximisées, des processus de fabrication flexibles, une meilleure mise en conformité, une gestion complète des processus d’affaires et des rapports précis et en temps réel. Les entreprises qui n’adoptent pas cette technologie risquent de perdre une part des opportunités de marché existantes et nouvelles. Ceci est confirmé par le fait que les nouvelles installations pharmaceutiques démarrent leurs opérations avec un MES en place, soit la fabrication sans papier, dès le premier jour.

Parmi les entreprises sondées dans la ligne de l’article, environ 80 % ont un système ERP en place. L’adoption du MES est à la traîne de l’ERP, mais avec le Mfg 2.0 devenant de plus en plus répandu, le MES deviendra une partie intégrante et un composant critique de la chaîne d’approvisionnement globale. L’adoption du MES fera son chemin pour finalement gagner des galons au même titre que l’ERP.


Figure 7.0 : L’adoption du MES et de l’ERP dans l’industrie pharmaceutique

La mise en œuvre d’un MES n’est pas une décision à prendre à la légère. Chaque aspect du processus de fabrication sera impliqué lors de la mise en œuvre d’un MES ; toutefois, les entreprises déploient avec succès le MES et en récoltent les fruits. Le MES a franchi le gouffre technologique et a atteint la maturité dans l’industrie pharmaceutique. Ne vous laissez pas distancer.

Par Desmond Savage
MOM/MES Consultant, ATS International B.V.
Vous pouvez commenter ou me contacter sur LinkedIn